La préservation de l’indépendance professionnelle et l’évitement des conflits d’intérêts sont des responsabilités au cœur de toute profession règlementée comme la sexologie. Il est question de l’intégrité et de l’objectivité des sexologues qui sont nécessaires pour offrir des services de qualité, exempts d’influences préjudiciables. Le Code de déontologie des sexologues y dédie sa section 5, « Indépendance professionnelle et conflits d’intérêts », aux articles 32 à 41.
De tous les enjeux déontologiques pour les sexologues, les concepts de conflits d’intérêts, de conflits de rôles et d’indépendance professionnelle sont sans doute parmi les plus complexes. Ils sont interreliés et doivent être envisagés comme tels pour faciliter leur compréhension. En effet, les conflits d’intérêts et de rôles qui surviennent sont synonymes d’un manque d’indépendance ou de transgression de frontières professionnelles.
La présente série de chroniques vise à outiller les sexologues dans leur réflexion professionnelle pour la prévention et la gestion des conflits d’intérêts et de rôles. La série est publiée en soutien à la présentation tenue dans le cadre des Essentiels professionnels en sexologie en février 2023.
Consultez également la chronique « Conflits d’intérêts, conflits de rôles et indépendance professionnelle : La prévention et la gestion des conflits ».
Les concepts clés :
Conflits d’intérêts |
Les conflits d’intérêts sont des situations dans lesquelles les sexologues pourraient préférer certains intérêts, personnels ou ceux d’un tiers, à ceux de leur clientèle. Il y a donc conflit d’intérêts lorsque le jugement professionnel des sexologues est influencé par des intérêts extérieurs à ceux de leur clientèle ou du public. Il peut être par exemple question de l’influence d’un employeur ou d’un proche sur la manière d’agir dans un dossier, de faire des choix pour privilégier un gain financier, d’agir en conséquence d’un renseignement reçu à l’extérieur de la relation professionnelle, le tout en relayant au second plan l’intérêt de la clientèle. Les intérêts ou influences en question peuvent être de nature personnelle, financière, morale ou autre. Les conflits d’intérêts sont non seulement préjudiciables pour la clientèle directement visée, mais également pour la confiance du public envers les sexologues. D’une perspective extérieure, ces situations mettent en doute l’intégrité et l’objectivité des sexologues. C’est pourquoi elles doivent être analysées selon la perspective d’une personne neutre et externe à la situation, pour déterminer comment la situation peut être perçue, peu importent les conséquences réelles. Enfin, les conflits d’intérêts peuvent exister même si aucun préjudice précis n’est démontré chez la clientèle et même si les sexologues rendent des services de qualité. L’expérience ne rend pas les sexologues immunisés contre les conflits d’intérêts et devrait plutôt être corrélée avec une plus grande prudence pour éviter les glissements. Il existe trois types de conflits d’intérêts :
Les sexologues qui identifient un conflit d’intérêts potentiel doivent prendre les mesures adéquates pour éviter le glissement. Quant aux conflits d’intérêts apparents et réels, ils sont traités de la même manière, c’est-à-dire que les mesures nécessaires doivent être mises en place pour que la clientèle n’en subisse pas de préjudice. Les mesures sont plus amplement abordées dans la chronique « Conflits d’intérêts, conflits de rôles et indépendance professionnelle : La prévention et la gestion des conflits ». Les exemples suivants sont généralement reconnus comme pouvant générer des conflits d’intérêts :
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Conflits de rôles |
Les conflits de rôles sont situations dans lesquelles les sexologues exercent au moins deux rôles (sociaux ou professionnels) auprès d’une même personne de manière à affecter leur indépendance professionnelle. Il s’agit d’une sous-catégorie des conflits d’intérêts, basée sur des rôles différents joués par les sexologues. Les exemples de doubles rôles suivants sont connus comme pouvant générer des conflits d’intérêts et affecter l’indépendance professionnelle :
La prudence est de mise pour certains rôles d’apparence compatibles, mais qui ne le sont pas. Par exemple, la supervision clinique possède des troncs communs avec le suivi individuel, dont ce qui a trait à la connaissance de soi comme personne professionnelle. Cependant, plusieurs objectifs ne sont pas compatibles; la supervision entrainant un certain rapport hiérarchique qui pourrait porter à la confrontation d’idées d’une manière bénéfique au développement professionnel, alors que cela pourrait s’avérer néfaste en suivi. Inversement, une connaissance très personnelle du vécu de la personne supervisée pourrait entrainer une retenue ou une plus grande confrontation par celle qui supervise. |
Indépendance professionnelle |
L’indépendance professionnelle est la faculté d’exercer sa profession avec loyauté et intégrité, en ayant comme intérêt central celui de chaque cliente ou client, sans subordonner cet intérêt à quelque autre intérêt que ce soit. L’indépendance professionnelle se définit par un champ lexical d’évitement, pour préserver l’intégrité et l’objectivité qui est due à chaque cliente ou client. L’article 33 du Code de déontologie des sexologues établit les obligations liées à l’indépendance professionnelle comme suit :
Le rôle des sexologues est donc de préserver l’indépendance nécessaire pour exercer adéquatement la profession, dans l’intérêt central de chaque cliente ou client, libre de toute influence préjudiciable. La notion de client peut référer à une personne, un couple, une famille ou un groupe. Lorsque deux personnes ou plus constituent un même client, les actions professionnelles doivent être menées dans l’intérêt du groupe et non d’une seule personne dans le groupe. Par exemple, en prenant parti pour une personne dans un couple, on se retrouve en conflit d’intérêts à la fois envers l’autre personne et envers le couple comme client. |
Frontières professionnelles |
Afin d’assurer leur indépendance, les sexologues ont la responsabilité de tracer des frontières professionnelles claires. Il s’agit de frontières conceptuelles entre les sexologues et la clientèle, qui doivent être activement maintenues dans le cadre de toute relation professionnelle. Les frontières professionnelles sont établies par le cadre de travail proposé par les sexologues et auquel la clientèle doit consentir dans l’atteinte des objectifs fixés dans l’évaluation. Les sexologues doivent ainsi trouver le juste équilibre entre la création d’un contact suffisant pour développer la relation de confiance, sans verser dans la familiarité, le dévoilement de soi inapproprié, ou la réponse à des besoins personnels dans la relation. Une attention particulière doit être portée à certaines situations de proximité, comme dans une région avec une population plus restreinte, auprès d’un groupe homogène, ou dans des initiatives ou organismes « pour et par ». Dans ces cas, les frontières professionnelles doivent être très claires et il est de bonne pratique pour les sexologues de déterminer d’avance avec sa clientèle la manière d’interagir en cas de rencontre fortuite en dehors du contexte professionnel. L’intérêt de tracer des frontières claires est de maintenir la distance nécessaire pour préserver un jugement professionnel libre de toute influence, avec un accent particulier sur les influences internes des sexologues. Par exemple, même s’il peut être tentant d’aider quelqu’un que l’on connaît, le jugement professionnel serait nécessairement altéré par de l’information obtenue à l’extérieur de la relation professionnelle. Au final, c’est la qualité du service qui en est affectée. Dans plusieurs cas, les situations de conflits d’intérêts ou de rôles émergents d’initiatives qui sont perçues comme bienveillantes, mais qui ultimement pourront nuire à la clientèle. Par la nature humaine de la profession, les sexologues font face à des défis pour maintenir une frontière professionnelle adéquate, dont par exemple :
Il est important de retenir que les glissements vers un conflit de rôles ou d’intérêts sont généralement graduels et émanent souvent d’une intention tout à fait bienveillante. Il est donc important de porter une attention particulière à l’indépendance et aux frontières professionnelles. Il est recommandé aux sexologues de réfléchir à leurs propres zones de vulnérabilité dans l’établissement des frontières et, au besoin, de les aborder en supervision. |
Cadre déontologique |
Comme mentionné en introduction, la 5e section du Code de déontologie des sexologues est intitulée « Indépendance professionnelle et conflits d’intérêts ». Les articles 32 à 41 fournissent le cadre règlementaire en la matière. Les sexologues peuvent consulter le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues publié par l’OPSQ pour lire les articles pertinents et les notes explicatives afférentes. |
Sources utiles
- Chronique de la même série : « Conflits d’intérêts, conflits de rôles et indépendance professionnelle : La prévention et la gestion des conflits »
- Code de déontologie des sexologues, RLRQ c C-26, r. 222.1.2.01
- Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues, OPSQ
- Règlement sur les dossiers, les cabinets de consultation et autres bureaux et la cessation d’exercice des membres de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec, RLRQ c C-26, r 222.1.4
- Guide sur la tenue des dossiers et des cabinets de consultation des sexologues, OPSQ