6 avril 2023 : mise à jour de la section Demandes d'information de la DPJ
La présente chronique est publiée par l’Ordre professionnel des sexologues du Québec (OPSQ) comme partie d’une série sur le secret professionnel. Cette série vise principalement à informer les sexologues en matière de déontologie et à contribuer à leur réflexion professionnelle pour les enjeux que soulève leur pratique.
En aucun cas le contenu ne doit être compris comme substituant un texte de loi, ni être interprété comme étant un conseil juridique. Les sexologues doivent procéder à une analyse approfondie de chaque situation et faire appel aux ressources appropriées pour valider leur jugement professionnel, que ce soit en supervision clinique, auprès de collègues de travail ou en faisant appel à des services juridiques indépendants.
Table des matières :
- Contexte
- Signalement et confidentialité
- Demandes d’information de la DPJ
- Soutien à l’analyse
- Protection de la jeunesse et infractions criminelles
- Tenue des dossiers
Contexte |
Afin d’atteindre ses objectifs de protection des personnes de moins de 18 ans, la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) a besoin de la surveillance de la population. Pour mettre en place les mesures nécessaires, la DPJ doit d’abord être tenue au courant des situations où la sécurité ou le développement d’une personne mineure peut être considéré comme compromis au sens des articles 38 et 38.1 de la Loi sur la protection de la jeunesse (LPJ). Comment alors réconcilier cet objectif de protection de la jeunesse avec la primauté du secret professionnel pour les sexologues qui reçoivent des confidences dans le cadre de leurs fonctions? Bien que le maintien du secret professionnel demeure primordial, la LPJ prévoit que dans certaines circonstances, l’importance de protéger les personnes mineures doit prévaloir, de sorte que des renseignements puissent être divulgués, même s’ils sont couverts par le secret professionnel. La présente chronique vise à expliquer les dispositions pertinentes de la LPJ et à soutenir les sexologues dans leurs réflexions sur le sujet. Situations qui compromettent la sécurité ou le développement des personnes mineures (LPJ, art. 38) :
Situations qui peuvent compromettre la sécurité ou le développement des personnes mineures (LPJ, art. 38.1) :
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Signalement et confidentialité |
Le niveau d’obligation de signaler à la DPJ est différent selon la catégorie de personne qui signale et les motifs de compromission. La règle de base demeure que toute personne peut signaler dans la mesure où le secret professionnel est respecté, mais certaines circonstances obligent le signalement, bien que l’information soit autrement confidentielle. Le niveau d’obligation de signaler à la DPJ est différent selon la catégorie de personne qui signale et les motifs de compromission. La règle de base demeure que toute personne peut signaler dans la mesure où le secret professionnel est respecté, mais certaines circonstances obligent le signalement, bien que l’information soit autrement confidentielle. La contribution spécifique des membres des ordres professionnels est sollicitée pour certains signalements et selon le contexte. Pour savoir si un signalement peut ou doit être fait, les sexologues se réfèrent à l’article 39 de la LPJ qui se déconstruit comme suit (L’article 39 de la LPJ est vulgarisé ici pour la compréhension spécifique des sexologues. Rappelons que l’article 39 concerne d’autres professionnels, qu’il n’est pas reproduit intégralement et que le texte de la LPJ a préséance sur le contenu de la présente chronique) :
Peut signaler toute autre situation que les abus sexuels et les abus physiques pouvant compromettre la sécurité ou le développement d’un enfant au sens de l’article 38 ou de l’article 38.1 de la LPJ, en respectant le secret professionnel. Notons également que tout adulte doit apporter l’aide nécessaire à un enfant qui désire signaler sa situation ou celle de ses frères et sœurs ou d’un autre enfant (LPJ, art. 42). Enfin, bien que l’identité des personnes qui font un signalement ne peut pas être dévoilée sans leur consentement (LPJ, art. 44), il appartient aux sexologues d’exercer leur jugement critique pour déterminer la manière d’aborder ou non le fait d’avoir procédé à un signalement. |
Demandes d’information de la DPJ |
Un autre enjeu lié à la protection de la jeunesse et au secret professionnel est celui des demandes d’information par les personnes autorisées pour faire enquête à la DPJ. Auparavant, la LPJ obligeait seulement la communication de renseignements par les établissements régis par la LSSSS. Plusieurs organismes publics se sont d’ailleurs dotés d’une Entente multisectorielle relative aux enfants victimes d’abus sexuels, d’abus physiques ou de négligence grave, incluant les balises de communication. À partir du 26 avril 2023, les règles de communication s’étendent à l’ensemble des personnes professionnelles, incluant les sexologues, peu importe leur milieu d’exercice. Les nouveaux articles 35.1 et 35.4 de la LPJ élargissent donc les pouvoirs d’enquête de la DPJ. Scénario 1 : Demande de renseignement Une personne autorisée par la DPJ peut désormais exiger aux sexologues de communiquer un renseignement concernant un enfant, l’un de ses parents ou une autre personne mise en cause dans un signalement, en présence de l’une ou l’autre de ces conditions : a) Le renseignement demandé révèle ou confirme l’existence d’une situation de compromission et dont la connaissance pourrait permettre de :
b) Le renseignement permet de confirmer ou d’infirmer l’existence d’une situation en lien avec des faits nouveaux survenus depuis la décision portant sur la compromission et dont la connaissance pourrait permettre de réviser la situation de l’enfant. Devant une telle demande de la DPJ, les sexologues conservent toutefois l’obligation de circonscrire les renseignements à ceux qui sont pertinents pour répondre à la demande. Scénario 2 : Accès au dossier Toute personne qui a la garde, la possession ou le contrôle d’un dossier ou la connaissance d’un renseignement visé par une demande ci-dessus doit le communiquer à la personne autorisée par la DPJ et lui en faciliter l’examen. Selon le contexte, la DPJ pourrait exiger d’avoir accès à un dossier dans les cas suivants : a) Si jugé nécessaire par la DPJ pour assurer la protection d’un enfant dont le signalement a été retenu, une personne autorisée peut se présenter sur place pour prendre connaissance et tirer copie du dossier de l’enfant lui-même; b) Sur autorisation du tribunal seulement, la DPJ peut prendre connaissance sur place du dossier d’un parent ou d’une autre d’une autre personne mise en cause par un signalement lorsque nécessaire pour assurer la protection d’un enfant. Dans les deux cas, la personne autorisée par la DPJ pourrait exiger aux sexologues de fournir les explications nécessaires à tout renseignement contenu au dossier visé. |
Soutien à l’analyse |
Les sexologues doivent faire preuve de jugement professionnel pour bien départager les enjeux juridiques, déontologiques, moraux et ceux qui relèvent de la relation professionnelle. À ce titre, la protection de la jeunesse peut prévaloir sur la préservation du lien de confiance ou du lien thérapeutique, qui sont par ailleurs très importants. Il est donc nécessaire de bien comprendre la notion de « motif raisonnable » qui peut justifier la levée du secret professionnel. Pour motiver un signalement, les renseignements obtenus doivent permettre d’identifier de manière suffisamment précise la nature des gestes, l’identité des personnes concernées et le contexte (ex. temps, lieu, circonstances). Le mot raisonnable réfère à un niveau de probabilité et à une précision qui dépassent le simple soupçon ou de vagues allégations. En droit, la notion de raisonnable réfère également au comportement généralement attendu pour toute personne mise dans la même situation, sous le même contexte, avec le plus d’objectivité possible. La question à se poser est donc la suivante : est-ce que les renseignements sont suffisants, en quantité et qualité, pour raisonnablement justifier une demande d’enquête par la DPJ? En cas de doute, ou si les renseignements ne sont pas suffisants, les sexologues peuvent poser des questions si le contexte s’y prête, mais n’ont pas à faire enquête en soi. Ce pouvoir appartient à la DPJ, qui mettra ensuite en place les mesures nécessaires si une intervention s’impose. Suivant l’analyse de la situation, les sexologues qui se trouvent dans l’obligation de signaler doivent effectivement procéder au signalement. Elles et ils ne peuvent simplement se fier sur le fait qu’une personne promet de signaler, ou affirme l’avoir déjà fait. Dans les cas qui ne déclenchent pas d’obligation ou en l’absence de motifs suffisants, les sexologues peuvent tout de même encourager leur clientèle à effectuer un signalement, ou accompagner les personnes plus directement concernées dans ce processus. Chaque situation est un cas d’espèce qui requiert une analyse approfondie. En cas de doute sur la situation préoccupante d’une personne mineure, il est préférable pour les sexologues de communiquer avec la DPJ pour que les personnes en poste puissent les guider dans le processus décisionnel. |
Protection de la jeunesse et infractions criminelles |
Il arrive que les sexologues reçoivent des confidences liées à des fantasmatiques qui visent des enfants et qui sont dans le domaine des infractions criminelles à caractère sexuel. Pour éviter certains amalgames dans ce contexte, il importe de distinguer les principes propres au secret professionnel de ceux liés à la protection de la jeunesse. Certaines infractions criminelles à caractère sexuel visent les enfants et, en présence de motifs raisonnables de compromission, déclenchent une obligation de signalement à la DPJ pour abus sexuel. C’est le cas par exemple de leurre, de contacts sexuels, d’agression sexuelle, d’exploitation sexuelle ou encore de partage d’images intimes d’une personne mineure. Cependant, ce ne sont pas toutes les infractions à caractère sexuel visant les personnes mineures qui doivent faire l’objet de signalement, que ce soit à la DPJ ou à la police. C’est le cas notamment pour les infractions liées à la pornographie juvénile, lorsque les enfants sont inconnus. D’une part, sous réserve des exceptions prévues à la loi, les sexologues sont tenus au secret professionnel en cas de dévoilement d’activités criminelles par leur clientèle. D’autre part, si les renseignements obtenus ne permettent pas d’identifier d’enfant, la DPJ n’aurait aucun moyen d’appliquer des mesures de protection. De la même manière, le dévoilement d’un abus sexuel envers une personne mineure devenue majeure ne saurait faire l’objet d’un signalement, étant donné que la DPJ n’aurait pas de pouvoir d’action. Rappelons que l’objectif de la LPJ est la protection des personnes de moins de 18 ans et non la punition des personnes qui commettent des actes répréhensibles à l’endroit des enfants. En ce qui a trait au risque de passage à l’acte en présence de fantasmatique visant les enfants, la LPJ prévoit qu’un signalement doit avoir lieu « lorsque l’enfant encourt un risque sérieux de subir des gestes à caractère sexuel, avec ou sans contact physique » (article 38, al. 2 d). C’est donc seulement en présence d’un risque sérieux, qui s’évalue au cas par cas, que les sexologues peuvent signaler à la DPJ. En présence d’un risque sérieux et imminent de passage à l’acte, les sexologues pourraient également alerter les personnes visées ou celles qui peuvent leur venir en aide (à cet effet, voir le Guide explicatif du Code de déontologie des sexologues, p.11). En présence de fantasmatique sans risque sérieux de passage à l’acte, les sexologues doivent protéger le droit au secret professionnel. |
Tenue des dossiers |
Il est important de noter au dossier les détails importants relatifs à toute levée du secret professionnel, conformément aux règlements de l’OPSQ. Voir notamment :
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