Exclusion, discrimination et pression sur le système de santé et des services sociaux Positionnement de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec concernant le projet de loi 2
L’Ordre tient à se positionner sur différentes dispositions du projet de loi 2 : Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil (PL2). Cette prise de position s’inscrit dans sa mission de protection du public, incluant la défense de l’accessibilité des services et la promotion de la santé sexuelle. L’Ordre appuie certains changements législatifs suggérés, toutefois, plusieurs éléments constituent un recul important pour les droits des personnes trans, non binaires et intersexuées.
Discrimination et pression sur le système de santé
Suivant le soulèvement des populations visées, le ministre de la Justice s’est engagé à revoir le PL2 de manière à modifier les articles discriminatoires et problématiques. L’Ordre réfère au mémoire de la Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres1 qui décrit d’une façon claire les inquiétudes sur les changements législatifs initialement proposés et qui continuent de faire l’objet d’une réflexion. L’Ordre enjoint le législateur à intégrer au PL2 les recommandations émises dans ce mémoire.
Les personnes trans, non binaires et intersexuées se frappaient déjà à d’importantes barrières à l’accès aux soins de santé et de services sociaux avant la venue de ce projet de loi qui vient accentuer ces difficultés. En effet, de nombreuses personnes font déjà face à une attente très longue avant de recevoir des services dans les quelques cliniques spécialisées, augmentant alors leur souffrance et leur prise en charge médicale ou psychologique.
L’accès au changement de la mention de sexe ne doit en aucun cas subordonner l’exigence que la personne ait subi un traitement médical ou une intervention chirurgicale. Cette décision mettra une pression sur le système de santé aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre et ralentira davantage la prise en charge et les soins à ces clientèles qui en paieront dramatiquement le prix. Les personnes trans, non binaires ou intersexuées qui subiront ces délais dans l’acquisition de papiers d’identité en cohérence avec leur identité de genre verront leur détresse et leur dysphorie de genre augmenter de façon considérable et seront dans un état de vulnérabilité accru.
Ajouts positifs pour la protection des enfants
En revanche, l’Ordre juge adéquat l’ajout explicite de la violence familiale comme facteur à considérer dans l’appréciation de l’intérêt de l’enfant à l’article 33 du Code civil du Québec. Cette reconnaissance aidera les tribunaux à rendre des ordonnances qui tiennent explicitement compte de la sécurité des enfants dans ce contexte, en allégeant le fardeau aux parties de devoir démontrer que la violence est un facteur à considérer.
L’Ordre salue également qu’un parent puisse consentir seul à des soins de santé ou de services sociaux pour leurs enfants de moins de 14 ans en présence d’une situation de violence familiale ou sexuelle causée par l’autre parent.2 Obtenir le consentement des deux parents dans une telle situation constitue présentement un obstacle pour l’accès adéquat aux services des sexologues.
L’Ordre accueille aussi favorablement l’abrogation de l’article 541 du Code civil du Québec pour faire place à un régime d’encadrement de projets parentaux impliquant la gestation pour autrui. Il s’agit d’une avancée importante pour les familles LGBTQ+, qui sont davantage représentées dans ce modèle familial, dans la mesure où le respect des enjeux éthiques et du bien-être des personnes qui portent des enfants pour autrui sont assurés.
L’Ordre appuie l’ajout des dispositions empêchant qu’une partie ou un enfant soit contre-interrogé par une partie non représentée qui est visée par une accusation, une ordonnance, à une promesse ou un engagement la concernant en vertu du Code criminel. Il s’agit d’une protection importante pour les personnes qui ont subi de la violence familiale ou sexuelle.
L’inclusion par la reconnaissance de la pluriparentalité
Enfin, l’Ordre déplore que le PL2 omette la reconnaissance des familles composées de plus de deux parents, et ce, malgré une invitation directe à le faire par le juge Gary D.D. Morrison en 20183 ainsi que par le courant jurisprudentiel et législatif à cet égard dans le reste du Canada.4 Ceci perpétue un vide législatif qui empêche les enfants issus de ces familles d’avoir tous les privilèges que procure la filiation, et ne permet pas à certains parents d’exercer les attributs de l’autorité parentale à l’égard de leurs enfants. Les communautés LGBTQ+ sont davantage représentées dans ces modèles familiaux et l’absence de reconnaissance reconduit indument une discrimination et un stigma à leur égard. De ce fait, l’Ordre appuie le mémoire déposé par Me Maxime A. Pouliot5 et enjoint fortement le législateur à reconsidérer la reconnaissance de filiation pour les familles formées de plus de deux parents.
Conclusion
Le PL2 est un chantier colossal qui aborde plusieurs enjeux liés à la santé sexuelle de la population. Dans cette optique, l’Ordre s’assure de suivre le dossier de près et de s’impliquer auprès de différents intervenants pour favoriser l’adoption de dispositions justes et équitables. Avant l’entrée en vigueur du PL2, l’Ordre s’engage à informer les sexologues de tout changement officiel qui affectera leur pratique.
Relations médias : Magali Boulé 438-386-6777 poste 223 magali.boule@opsq.org |
1 Galantino, G. J., et Blais, M. (2021). Le projet de loi no 2 — un projet de loi attentatoire aux droits des personnes trans et nonbinaires? Mémoire présenté dans le cadre des consultations particulières et des auditions publiques pour le projet de loi no 2 : Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil. Montréal : Chaire de recherche sur la diversité sexuelle et la pluralité des genres, Université du Québec à Montréal.
2 Projet de loi 2, article 126.
3 Droit de la famille — 18968, 2018 QCCS 1900, aux paras 37 à 42.
4A.A. v. B.B., 2007 ONCA 2 (Ontario); Re : C.C., 2018 NLSC 71 (Terre-Neuve-et-Labrador); Family Law Act, SBC 2011, c 25, article 30
(Colombie-Britannique); Loi portant réforme du droit de l’enfance, LRO 1990, c C.12, article 9 (Ontario); Children’s Law Act, SS 2020,
c 2, article 61 (Saskatchewan).
5 Pouliot, M.A. (2021). Plaidoyer pour la reconnaissance formelle des familles de plus de deux parents. Mémoire présenté dans le
cadre des consultations publiques pour le projet de loi n° 2 : Loi portant sur la réforme du droit de la famille en matière de filiation
et modifiant le Code civil en matière de droits de la personnalité et d’état civil. Montréal.